reviewed in Abstracta Iranica, 2002.

Book Review

W. M. Thackston, Album Prefaces and Other Documents on the History of Calligraphers and Painters, Leiden, E.J. Brill, 2000

Treize textes en persan accompagnés de leur traduction en anglais sont présentés dans cet ouvrage. Ils se réfèrent aux artistes des cours princières de la Perse des Timûrides & des Safavides, auxquels s'ajoutent deux rapports d'ambassade et une généalogie de la maison de Timûr par un de ses descendants. Ce recueil s'adresse autant aux historiens de l'art intéressés par les sources écrites sur l'art & les artistes, qu'aux historiens de la Perse & de ses relations extérieures avec la Chine et l'Inde.

Son intérêt particulier tient à la publication des textes facilement restés inobservés - insérés dans des albums d'exemples d'écriture et de miniature, parfois repartis entre plusieurs cotes -, ou d'un access peu aisé - la majorité appartiennent à des collections d'Istanbul.

Les onze préfaces d'albums sont caractérisés par la stéréotypie du style (métaphorique, avec peu de variation) et du contenu (apologie des commanditaires des albums et esquisse généalogique de la calligraphie & de la peinture). Dans un volume parallèle publié dans la même série chez Brill, Prefacing the Image, D. Roxbourgh s'occupe de la problématique posée par ce genre d'écrit.

L'aspect objectif de l'activité des artistes est consigné dans un rapport décrivant individu par individu l'état d'avancement de travaux lui ayant été confiés par - probablement - la fondation artistique du prince Bâysunqûr (ex: 'Le jour de ce rapport Mawlânâ 'Alî a commencé le dessin d'une enluminure-frontispice pour le Shâhnâme. Ses yeux l'avaient piqué pour quelque jours.').

Une collection de huit pétitions et décrets donne des informations brutes sur la vie quotidienne : une demande d'un artiste à un patron pour lui acheter la maison où il vit ; une requête à pourvoir un nouveau encrier pour remplacer l'encrier chinois, qui vient de se casser ; estimation de la quantité de texte qui peut être écrite par jour ; ordre pour extraire des pierres semi-précieuses dans la région de Yazd ; l'histoire terrifiante d'un manuscrit dont la réalisation a coûté la vie a plusieurs grands artistes sur près de cent ans.

Si les textes précédents varient d'une longueur d'un paragraphe a quelque pages, les rapports de mission (abrégés eux aussi ?) sont plus longs et abondent en observations ethnographiques, géographiques, impressions personnelles et réservent une place copieuse à la description des banquets offerts aux émissaires et autres attentions dont ils ont fait l'objet.

Album prefaces... est un heureux apport à la connaissance de milieux artistiques persans par le biais du discours écrit qui les entourait, tantôt idéalisant ou formel, tantôt factuel (a signaler une autre publication similaire : H. R. Qîlîtchkhânî, Resâlâtî dar khûshnevîs va honarhâye vâbaste, Teherân, Rûzne, 1373, 463 p.). W. Thackston lui-même, professeur de persan et arabe à l'Université de Harvard, a une longue expérience dans le domaine de la traduction (Bâbûrnâma, sources sur l'histoire et l'art timûride, histoires populaires du Luristan...).

Le traitement des données est méticuleux (sont donnée des références aux spécimens subsistant pour les artistes cités) et constant malgré l'étendue des sujets couverts et des langues a interpréter (chinois, mongol et sanskrit sont rendus aussi bien en translittération qu'en original).

On regrette que la qualité de l'impression (autour de 300 dpi, début de lignes parfois coupées dans le texte persan), le choix du papier (blancheur prétentieuse pour un papier qui se gondole facilement) et la mise en page (paragraphes orphelins, justification abusive par kashidas) ne soit pas comparable aux premières publications du XVIIe siècle de la même maison Brill.

étant donnée qu'il s'agit d'un ouvrage de référence lui-même pourvu d'un apparat critique important, autrement-dit un bel exemple d'hyperlien, la publication parallèle sur le Web de cet outil de travail scientifique serait sûrement opportune et ferait gagner bien de temps aux chercheurs qui travaillent la nuit lorsque les bibliothèques sont fermées (et qui sont trop pauvres pour s'acheter l'ouvrage).

Sa'adabad, Tajrish - Octobre 2001